Il y a quelques années, au cours d'un gala magique au Château de Biais, M. Paul Robert Houdin, petit-fils du grand maître, me déclarait qu il tenait Blois pour la capitale de la magie.
Je ne me suis pas permis de contredite le parfait gentleman qu'était le créateur des spectacles " Son et lumière " mais je pensais, un peu de chauvinisme m'y poussant, que Toulouse pouvait aussi revendiquer l'honneur d'être, peut-être pas la capitale de la magie mais, pour le moins, une grande métropole magique.
Car Toulouse possède des atouts dans ce domaine. Des atouts maîtres !
Et tout d'abord, le PREMIER livre de prestidigitation n'est-il pas l'oeuvre d'un poète toulousain, né vers 1520. que le monde de la magie bien injustement ignoré !
Qui connaît en effet Jean Prévost, auteur de "La première partie des subtiles et plaisantes inventions" contenant plusieurs jeux de récréation, traités de souplesse, par le discours desquels les impostures des bateleurs sont découvertes ", imprimé en 1584 à Lyon, par Bastide, marchand libraire.
Qui connaît ce livre surprenant, amusant et véritablement magique puisqu'un exemplaire estimé à un million de centimes disparut mystérieusement, il y a quelques années, au cours d'une vente aux enchères, à l'hôtel Drouot à Paris !
Par contre un autre est répertorié à la Bibliothèque nationale sous le numéro 4 Rés. V 2627 ", ceci précisé à l'intention des rédacteurs de la présente revue qu'une réimpression ne laisserait pas indifférents.
Abattons un autre atout en citant le Commandeur (?) Marius Cazeneuve (1839-1913), professeur ès-sciences abstraites (sic), qui a accumullé autour du monde les aventures les plus sensationnelles et collectionné les médailles les plus baroques, dont Victor Hugo a glorifié en vers les prouesses magiques, qui a fait une conférence contre le surnaturel dans le grand amphithéâtre de la Sotbonne, s'est uni par le baptême du sang à la Reine Ranavalo de Madagascar et dont l'ami Pierre Brahma a, dernièrement, dans cette revue et dans un style toujours aussi brillant qu'est brillant son numéro, évoqué la vie pittoresque et romanesque tout cxi le classant parmi les plus attachants illusionnistes de l'Histoire de la Magie.
Marius Cazeneuve est né et mort à Toulouse où sa villa, miraculeusement préservé de la transmutation en building, se dresse à l'ombre des grands arbres au numéro 4 de la rue Saint-Michel.
Autre atout : Auguste Latapie, maître manipulateur aux mains larges comme des battoirs, gardien de la paix en service au théâtre Robert-Houdin à Paris où il contracta le virus de la prestidigitation.
Né le 20 septembre 1869 à Ségoufielle (Gers), petit village coquet à quelques kilomètres de Toulouse, il se retira dans la cité des violettes pour y goûter une retraite paisible tout en faisant quotidiennement des tours dans les cafés où il était très populaire. Ses tours de cartes déroutaient même les plus avertis car il en changeait et perfectionnait sans cesse les manipulations dont certaines portent son nom. Il mourut à Toulouse, le 27 novembre 1941.
Quant à Robert-Houdin, il est aussi présent à Toulouse. Le musée Paul Dupuy conserve en effet précieusement dans ses collections, à côté du cor de Roland, les splendides automates " La leçon de chant " et "La pendule mystérieuse" !
Et je n'oublierai pas d'abattre encore un atout maître le charme envoûtant des monuments et des vieux hôtels (72 classés) de la Ville Rose. De même que le spectateur d'un gala magique pousse un oh d'étonnement devant le léopard qui prend subitement la place de la belle fille disparue dans la cage aux fauves, de même le visiteur de la capitale du Languedoc pousse des oh de surprise et d'émerveillement devant les splendeurs inattendues des vieilles architectures toulousaines qui surgissent et se dressent devant lui.
Ainsi, du 2 au 4 octobre 1981, en accueillant dans ses murs le XVe Congrès Français de l'Illusion, pour lequel les organisateurs se dépensèrent sans compter !
René Laquier
Source : Journal de le Prestidigitation